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La fin d’étape et les évaluations

 

 

Nous avons eu seulement trois jours en classe avec les élèves aujourd’hui. En effet, lundi et mardi étaient des journées pédagogiques à la maison. Cette mesure a été prise, car plusieurs enseignants souffraient d’épuisement à cette période-ci de l’année. Cependant, je constate que, vu la position du congé, plusieurs enseignants du 1er cycle se sentent bousculés dans les évaluations, car la fin de la 1re étape était ce vendredi.

 

De plus, les élèves aussi étaient fatigués. Ils me le disaient bien clairement. Je trouvais cela difficile de l’entendre, mais de ne pas pouvoir répondre à leur besoin, car nous avions des évaluations à terminer. Ils ont été en évaluation toute la semaine précédente et les trois jours de celle-ci. Beaucoup de lecture, d’écriture et de mathématiques. Nous allons même devoir déborder lundi prochain pour terminer les évaluations. Je vais essayer d’alléger la planification à compter de mardi, mais j’ai tout de même beaucoup de choses à voir avec eux et plusieurs périodes bloquées (spécialistes, orthopédagogue, bibliothèque, etc.). Ces périodes sont primordiales, mais demandent de trouver diverses solutions pour s’assurer de faire entrer les leçons et le travail à faire. Lorsque les élèves sortent de la classe avec l’orthopédagogue, ils doivent « rattraper » le travail à faire et doivent parfois venir le terminer en récupération. Cette situation est délicate pour le développement de l’élève à mon avis, car on lui offre du soutien et des outils, mais il doit tout de même passer en récupération.

 

J. a beaucoup de difficultés motrices et cela lui demande beaucoup d’énergie, je crois. Quand il doit fournir un effort cognitif pour comprendre et répondre à des questions, cela lui demande beaucoup plus de temps que les autres. Il fait partie des élèves qui sortent pour aller voir l’orthopédagogue (2 fois 40 minutes par semaine). Quand il revient, il doit rattraper le retard du travail en cours. Il est très fier quand il termine en même temps que les autres, mais il peut se décourager très rapidement aussi lorsqu’il voit qu’il n’y parvient pas.

 

De plus, puisque nous avons fait beaucoup d’évaluations, je constate quels élèves ont des difficultés pour quelles notions, mais je n’ai pas pu faire de retour sur ces notions encore. Je vais devoir les intégrer dans mes amorces, en lien avec les nouvelles notions, cette semaine. Je dois m’assurer de le faire quand tous mes élèves sont présents. Et j’ai aussi quelques élèves qui ont bien compris, pour qui je dois trouver des exercices pour aller plus loin. J’ai des idées pour ces élèves que je vais pouvoir intégrer dans ma planification facilement, je crois.

 

Alors, je me demande, qu’est-ce qu’on peut faire dans de pareilles situations: lorsque l’on sent que les élèves ne sont plus capables d’en prendre, mais que nous sommes obligés de continuer ? Dans cette situation, je ne pouvais pas prendre du temps pour faire une activité de transition, je devais même escamoter des routines pour avoir le temps d’y arriver...

 

Je sais que c’est important d’être à l’écoute du groupe d’élèves et de m’y adapter, mais dans cette situation, je devais aussi répondre à la demande de terminer toutes les évaluations ciblées par l’équipe-cycle. D’un côté, je me doute bien que les évaluations ne seront pas représentatives, vu la fatigue que les élèves ressentaient, et de l’autre côté, si je ne les fais pas, je ne réponds pas aux besoins du milieu pour remettre les notes la semaine prochaine. Donc, j’ai répondu aux besoins du milieu, mais je sens que j’ai mis de côté un important morceau.

 

Je suis consciente que ce ne sera pas la fin d’étape toutes les semaines, mais il y a souvent des obligations qui m’obligent à précipiter certaines routines ou autres étapes du travail.

 

Bref, je me questionne sur le travail d’évaluation constant que je me dois de faire et les conditions auxquelles je dois répondre. Comme le fait qu’il est essentiel de revenir rapidement sur des éléments que l’on constate qui n’ont pas été bien compris. J’ai identifié plusieurs éléments auxquels je dois faire un retour, mais je n’ai pas pu y revenir encore. Je crains que la distance dans le temps ne soit plus très efficace...

 

En théorie, j’aurais plusieurs solutions, mais dans cette situation, aucune ne s’appliquait.

 

Voici tout de même une réflexion sur l’évaluation, faite par Yves Nadon, dans Lire et écrire: en première année et pour le reste de sa vie.

 

 « Le problème de l’évaluation est qu’elle est liée, dans l’esprit de nombreuses personnes, à la notation. Ce sont deux domaines si différents, les deux ayants leur raison d’être. Et ces dernières années au Québec, tout s’est compliqué encore plus. Depuis les instance politiques, que ne semblent pas comprendre la différence entre les deux, jusqu’à certains syndicats d’enseignants qui exigent les notes pour que, dit-on, les élèves apprennent mieux, et qui veulent, comme demande supplémentaire, que les bulletins soient uniformes.

 

Ces dernières années, l’éloge de l’expérience de la Finlande a fait les manchettes sans vraiment apporter de changement majeurs dans les mentalités. Citons un rapport de Paul Robert, qui a comparé ce système avec celui de la France:

 

– Qu’en est-il des notes en Finlande? Comment ce pays évalue-t-il les élèves? A-t-il trouvé un moyen de réconcilier évaluation et motivation?

Jusqu’à 9 ans les élèves ne sons absolument pas notés. Ce n’est qu’à cet âge qu’ils sont évalués, pour la première fois, de façon non chiffrée. Puis plus rien de nouveau jusqu’à 11 ans. C’est dire qu’au cours de l’équivalent de toute notre scolarité primaire les élèves ne subissent qu’une seule évaluation. L’acquisition des savoirs fondamentaux peut ainsi se faire sans le stress des notes et des contrôles et sans la stigmatisation des élèves plus lents. Chacun va pouvoir progresser à son rythme sans intérioriser, s’il ne suis pas au rythme voulu par la norme académique, ce sentiment de déficience voire de « nullité » qui produira tant d’échecs ultérieurs, cette image de soi si dégradée qui fait, pour beaucoup d’élèves, que les premiers pas sur les chemins de la connaissance sont si souvent générateurs d’angoisse et de souffrance. La Finlande a fait le choix de faire confiance à la curiosité et à la soif naturelle d’apprendre des enfants. Les notes à ce stade  ne seraient qu’un obstacle. Cela, bien sûr, n’exclut par d’informer les familles régulièrement des progrès de leurs enfants: à l’école de Kanenvala des bulletins sont envoyés deux fois (à Noël et en mai); mais les notes chiffrées n’apparaissent qu’à la 6e année quand les enfants atteignent l’âge de 13 ans.

 

Ouf, et oh là là! Comment répondent de ce succès ceux qui croient que les notes motivent les élèves et les amènent à se dépasser?

 

[…]

 

Je ne parlerai donc pas – ou j’en parlerai si peu – de notation: les enseignants en ont déjà une grande expérience comme anciens élèves.

 

Les élèves apprennent mieux sans elle. Ce n’est pas moi qui l’affirme, ce sont de nombreuses recherches. Et tous ceux qui pensent améliorer les écoles en les comparant, en publiant des notes dans un journal, se trompent. L’impact de ces comparaisons va à l’encontre de leurs espérances. La seule façon d’améliorer les écoles est d’assurer des conditions d’apprentissage optimales et d’avoir des enseignants inspirants et instruits. Les notes et les comparaisons jouent contre les deux.

Il n’existe aucun lien entre les notes, la qualité de l’éducation et la qualité de l’apprentissage, sinon que les enseignants qui se concentrent sur l’examen à donner le font souvent au détriment de la pensée critique, des connaissances et de l’approfondissement. Prenez, par exemple, cet élève de 5e année qui a passé des examens en mai, qui a fait des exercices d’examens à la fin de mai et qui a passé des examens en juin. Six semaines d’évaluation pour des notes sur le bulletin: est-ce cela, la qualité que nous recherchons? »

 

- Tiré de mon journal d'analyse réflexive de la semaine III (du 3 au 7 novembre 2014)

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